C’est l’histoire d’une jeune femme (asthmatique) âgée de 23 ans, assassiné par la police à Nkayi (ville principale de la région de la Bouenza dont le chef-lieu est Madingou, dans le centre sud de la République du Congo, à environ 250 kilomètres de la capitale Mfoa, Mavula ou Brazzaville). Une histoire de non-respect port du masque qui, ce mardi 29 septembre 2020, a fini par un acte barbare de passage à tabacs qui a entraîné la mort de la jeune femme. Ce n’est pas mon histoire, mais je vais m’y immiscer pour répondre à ceux et celles qui me disent toujours que j’en fais trop en ne parlant que de ce qui ne va pas au Congo ! Mais le constat des injustices dans ce pays est amer depuis plus de 30 ans et on le sait tou.te.s, mais beaucoup ne veulent toujours pas l’ouvrir…
Quand j’ai écrit ‘‘ça va mal ici’’ (avec le groupe Big Mortel A4 de Moungali[1]) c’était en 2006 et j’étais encore au collège. C’était une chanson sur la mauvaise situation sociale des congolais.es et déjà à l’époque on me disait doucement ‘‘tais-toi, tu veux mourir ou quoi !’’. Il faut souligner que c’était à peine 9 ans après le coup d’Etat[2]… Mais je ne me suis pas arrêté là parce que j’ai toujours pensé que ‘‘entant qu’Humains nous sommes tou.te.s responsables les uns des autres…’’ à plus forte raison lorsqu’il s’agit des individus avec lesquels l’on partage le même territoire et la même histoire… Quelques années plus tard, entre 2008 et 2011 avec le duo ‘‘2Mondes’’ (Martial Pa’nucci et Ya Vé), nous avons sorti ‘‘La rue meurt’’, ‘‘L’affaire du Beach’’, ‘‘100 Complexes’’, etc. Les mêmes remarques teintées de peur et de résignation sont revenues : ‘‘Que voulez-vous que l’on fasse…’’, ‘‘C’est le pays qui est comme ça…’’, ‘‘Taisez-vous et subissez sinon vous risquez de disparaître comme beaucoup d’autres avant vous…’’ et puis quoi encore… A ce niveau-là j’aurais pu changer de trajectoire et faire autre chose, mais j’ai continué parce que je savais que beaucoup de Congolais.es n’avaient pas mon courage et moins encore celui de mon coéquipier. Il fallait que quelqu’un.e dise les choses qui ne marchaient pas dans ce pays et dénonce les injustices que subissaient dans le silence beaucoup d’anonymes, mais presque personne n’osait l’ouvrir à part quelques opposants politiques, quelques journalistes et des voix de la diaspora…
En Août 2015, presque dix ans après mon départ du collège, j’ai sorti un premier projet solo de 15 titres intitulé #2015CHRONIQUES[3]. C’était un album dans lequel figuraient des titres comme ‘‘Brazzaville hardcore’’, ‘‘Chroniques congolaises’’, ‘‘La Terre des impossibles’’, etc. On m’a encore rabâché les mêmes commentaires et avertissements qu’au début de ma carrière. Certes, cette fois-là il y avait eu des menaces et autres types d’intimidations qui ont changé ma vie jusqu’à présent mais ce n’était rien comparé à la misère, les violences et les injustices que subissaient et subissent encore les Congolais.es au quotidien. Depuis un moment au Congo, on pouvait entendre « des hommes soupçonnés d’être des rebelles – plus d’une centaine – ont été mis dans des containers et jetés dans le fleuve… », « un homme a été abattu au marché de bouro[4] par tel commissaire de tel commissariat… », « le fils, la fille du président-dictateur et quelques membres de son gouvernement ont détourné des milliards de dollars des caisses de l’Etat… », personne ne devait réagir et les médias étaient forcés de ne pas en parler ; « un opposant politique a été enlevé et torturé à mort par les services de renseignements », « la sœur d’un journaliste a été violé devant ce dernier par des hommes en armes envoyés pour l’intimider et l’humilier…», « des jeunes, au nombre de 23 (et même plus) ont été assassinés au commissariat de Chacona alors qu’ils se trouvaient en garde à vue… », « des individus ont été fusillés lors d’une manif de l’opposition politique… On connaît même les visages des policiers assassins», personne ne devait en parler, pas même les familles des malheureuses victimes à qui on interdisait même de faire des veillées sous menaces de représailles. Excepté part l’OCDH, une organisation de défense des droits humains réputée pour sa bravoure, le silence était et est toujours imposé à tout le monde… Le problème c’est que ce n’était pas des rumeurs, mais des assassinats extrajudiciaires et des crimes qui devraient être punis et qu’on nous demandait d’oublier pour le plaisir et la tranquillité du dictateur et ses suppôts… Mais moi non, je ne pouvais pas oublier, je ne peux pas et ne sais pas la fermer ; alors j’ai continué à écrire et chanter pour ne pas oublier…
Et pas plus tard qu’il y a quelques jours, on a entendu « une jeune femme enceinte (asthmatique) a été tuée par la police à cause d’une histoire de non port du masque de protection contre covid-19… », là encore il n’y aura ni enquête (et s’il y en a une ce ne sera que de la poudre aux yeux), ni condamnation et on nous demandera encore d’oublier et de pardonner comme si c’était un jeu. Ce que beaucoup de personnes ignorent, c’est que l’injustice sociale est ‘‘un cycle improductif du recommencement de la haine’’. Ce qui est arrivé à Merveille Bazonzela, pouvait et peut arriver à n’importe quel.le congolais.e tant que la police et l’armée ne cesseront pas de se comporter comme des miliciens. Sans justice, il n’y a pas de paix, mais plutôt des peuples, des familles, des individus frustrés et tenter de se faire justice eux.elles-mêmes : un cycle interminable et très dangereux pour l’avenir de ce pays. Quant à moi, j’ai encore écrit ‘‘#Sassoule’’, ‘‘Sachons dire NON’’, ‘‘C.O.N.G.O’’, ‘‘Kanga moyibi’’, ‘‘Le Congo va mal’’, ‘‘Kongo bololo’’, etc. parce que je suppose que #NousSommesDeCeSiècle #PourQueLaLutteContinue #BakokoBayamba parce que c’est ‘‘l’inaction des femmes ou hommes biens face à l’injustice’’ qui favorise le statut quo au Congo.
[1] Quatrième arrondissement de la capitale de la République du Congo
[2] https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/161213/congo-brazzaville-la-guerre-coup-detat-de-1997-ou-le-retour-de-sassou
[3] https://smarturl.it/martialpanucciAlbum2
[4] L’un des plus grands marchés de Brazzaville situé dans l’arrondissement numéro 1 (Makélékélé)